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Photo du rédacteurTe Ora Naho

Ruahatu, dieu de l'océan a "recraché" nos bonbonnes de gaz toxique

Dernière mise à jour : 22 mai 2023

Quand des agents du service public polluent notre océan : une histoire incroyable !

Petit résumé de l'affaire

Il y a deux mois, le 19 janvier, remontaient à la surface de notre océan, à quelques encablures de Papeete, des bonbonnes de bromure de méthyle dont on nous a dit qu'elles étaient vides donc inoffensives. Elles provenaient d'une épave récemment immergée selon les normes règlementaires (en matière environnementale notamment),celle de la goelette Kura Ora II.

Une enquête judiciaire a néanmoins été ouverte et il est apparu, selon les détails fournis par le procureur de la République en charge des investigations, qu'un nombre conséquent de déchets non dépollués ont été ajoutés sur le bateau, en dernière minute avant son immersion, en dehors de toute procédure règlementaire et après le passage de l'expert chargé du contrôle. Des responsables au sein de trois administrations (Port Autonome, Direction de l'Environnement, Direction de la Biosécurité) ont reconnu avoir contribué, à des degrés divers, à cette immersion illégale et polluante.

Une occasion de se débarrasser, à moindre coût, de déchets encombrants, entassés depuis plusieurs années ? Les faits sont graves.

Parmi ces déchets: 196 tonnes de matériel provenant d'entreprises portuaires allant des extincteurs aux élévateurs en passant par des équipements métalliques et surtout 87 bonbonnes de bromure de méthyle, dont 18 pleines , gaz insecticide hautement toxique et dangereux, régulièrement utilisé pour la fumigation des produits frais. Depuis le protocle de Montreal de 1987,son utilisation a été fortement réduite jusqu'à être totalement interdite en France en 2005, avec quelques dérogations, puis en 2011 dans l'Union européenne. La Polynésie française, comme d'autres pays, l'utilise depuis 1960, sur les fruits et les légumes en provenance de l'étranger ou à destination des îles, afin d'éviter la propagation d'insectes et de maladies. Elle continue à l'utiliser car il n'y aurait à ce jour aucun produit de substitution, selon les services de la Biosécurité.

Réaction des associations environnementales

Les associations de protection de l'environnement ne sont bien évidemment pas restées muettes en réagissant sur les réseaux sociaux dès connaissance des faits. Suite aux premiers résultats de l'enquête judiciaire, leurs observations ont été synthétisées dans un communiqué officiel de la Fédération Te Ora Naho que nous reproduisons ci-après.

"Double stupeur à l’issue des conclusions de l’enquête menée suite à la découverte de bonbonnes de gaz toxique à la dérive provenant de l’épave récemment immergée du Kura Ora II :

1) Certaines bonbonnes de bromure de méthyle * immergées avec le bateau, produit hautement toxique présentant des risques sanitaires et environnementaux immédiats, étaient pleines.

2) Des fonctionnaires du Pays (dont un responsable la Direction de l’environnement) sont mis en cause. Source extraite du site d’information « Tahiti Infos » du jeudi 28 février : « en l’état de l’enquête, annonce le procureur Hervé Leroy, il est manifeste que des personnes chargées d’une mission de service ayant pour fonction de faire appliquer le code de l’environnement l’ont délibérément violé ».

Des mises en examen ont été prononcées. Il ne nous appartient pas d’anticiper sur le degré de responsabilité des uns et des autres, mais ce sont bien trois services publics de l’administration locale qui sont actuellement mis en cause.

La Fédération des Associations de Protection de Polynésie française Te Ora Naho estime ces faits particulièrement graves et souhaite partager ses observations.

Le bromure de méthyle, tel qu' utilisé, est il vraiment sans danger pour notre santé ?

Le bromure de méthyle est utilisé pour traiter tout produit alimentaire frais importé afin d’éviter l’arrivée et la propagation de nuisibles venus d’ailleurs. Plus nous importerons notre alimentation, plus nous utiliserons ce produit : d’où notre vive incitation à produire et à consommer local et notre demande aux gouvernants de développer davantage l’agriculture locale et sur des bases saines. En attendant, des éclaircissements de la part des pouvoirs publics, sur la non-toxicité pour cet usage de cet insecticide sont souhaités.

Anticiper le fait que toute marchandise deviendra déchet

Tout importateur ou producteur de bien de consommation devrait s’assurer des conditions dans lesquelles ledit bien finira sa vie, autrement dit lorsqu’il deviendra déchet, surtout dans un milieu insulaire comme le nôtre. Le service phytosanitaire est-il l’importateur direct de ces bonbonnes, qu’est-il prévu pour leur traitement en filière appropriée? Il aurait manqué 15 millions de FCP au budget de la cellule phytosanitaire pour la décontamination et la destruction de ce stock, encombrant et dangereux, de 87 bonbonnes entreposées depuis plusieurs années, nous dit la presse.

Comment nous, consommateurs, payons pour le traitement de nos déchets ?

Le Pays reçoit tous les ans, à travers une Taxe pour l’Environnement et l’Agriculture (TEA élargi à la Pêche TEAP) de 2% appliqué sur tout produit importé, une recette qui avoisinerait les 2,5 milliards de FCP. Même si cette taxe n’est pas affectée et aboutit dans le budget global du Pays, la FAPE a depuis plusieurs années revendiqué, auprès des gouvernements qui se sont succédés, que la totalité des sommes soit utilisée à leur objectif initial légal à savoir : traiter les déchets et développer l’agriculture locale.

Le Pays laisse les communes (et donc les contribuables des communes que nous sommes) se débrouiller avec les déchets ménagers et pourrait mieux faire pour le traitement/ recyclage des autres déchets qui relèvent de sa compétence, si cette recette dédiée était mieux utilisée, à fortiori pour les besoins de son service phytosanitaire !

Bien que la FAPE soit pour le principe de la Responsabilité Elargie du Producteur (REP) récemment introduite dans le Code de l’Environnement, il n’en demeure pas moins que nous souhaitons éviter que le consommateur paye trois fois pour le traitement de ses déchets : une fois avec la TEAP, deux fois avec ses charges communales et trois fois avec le système envisagé de REP , car il est fort à parier que les entreprises répercuteront cette nouvelle charge sur les prix.

Des lacunes dans la procédure d'immersion des déchets

Enfin, cette affaire met en lumière des lacunes dans la procédure de contrôle et de suivi de l’immersion des épaves et de tout ce qui est rejeté à l’océan. De ce fait, on peut légitimement penser qu’il aurait pu y avoir des précédents passés sous silence, ni vu, ni connu !

Nos services publics sont ils prêts à prendre le virage de la transition écologique ?

Au nom des associations qui oeuvrent bénévolement pour la préservation de la nature de notre fenua, nous attendons des personnels des services publics et du gouvernement qu’ils prennent conscience que le respect de notre environnement et la transition écologique sont prioritaires pour l’avenir de la Polynésie.

Nous attendons de la Direction de l’Environnement davantage d’implication pour imposer la voie correspondant à sa vocation, quitte à surmonter le cloisonnement des services du Pays concernés quand nécessaire.

Nous attendons enfin du gouvernement actuel une réponse à notre interpellation , laquelle répercute, en fait, la réaction d’un grand nombre de nos concitoyens.

Cette fois-ci des bonbonnes sont remontées à la surface, Ruahatu, le dieu de l’océan n’en pas voulu, comme s’il voulait nous adresser un message de colère, en nous renvoyant à la figure nos abus.

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